Agilité en famille

Lors d’une conférence sur l’agilité organisée par « Agile Nantes », le coach/facilitateur Kervin Kueny a donné un lien vers une conférence TED de Bruce Feiler, concernant l’agilité appliquée à la famille. Ce lien que je vous invite à découvrir m’a donné envie d’en savoir plus, et j’ai donc commencé à réfléchir à la meilleure façon d’appliquer l’agilité en famille…

 

Pourquoi appliquer l’agilité en famille ?

family

Parlons tout d’abord briévement de ma famille.

A la maison nous sommes 4 : ma femme, moi et mes deux enfants.

Mon fils de 8 ans est plutôt de type « concentré », il adore les activités comme les legos, les jeux vidéo sur tablette (Minecraft en particulier). Son monde est fait de constructions, et il affectionne particulièrement le monde des transports (Trains, Tramways…etc).

Sa petite soeur de 3 ans est plutôt de type « extravertie », elle est très active et aime se dépenser (jeux d’extérieur). Elle aime particulièrement les contacts avec d’autres membres de la famille.

De part nos différences d’âge, nos différents caractères, notre style de vie, notre problème numéro un en tant que famille est de trouver des activités permettant à chaque membre de la famille de s’épanouir. Le week end, mon fils affectionne le jeu en intérieur, alors que ma fille aime aller au Parc pour jouer. Ma femme quant à elle aime bien les sorties mais préfère souvent voir de la famille ou des amis. Quant à moi, j’aime beaucoup découvrir de nouveaux lieux et j’affectionne donc particulièrement les sorties le week end (plage, musées, sorties en ville…)

Toutes ces différences dans nos goûts font que  nous planifions très rarement nos week end, ce qui nous amène souvent à ne pas sortir et à privilégier des activités d’intérieur. Cela est dû en grand partie au fait que les enfants proposent rarement des sorties et que nous parents ne prenons pas le temps suffisant pour en organiser (ou ne savons tout simplement pas quel type de sortie plairait à nos enfants).

Ici je vais faire une petite parenthèse en parlant d’un autre livre lu y a quelques temps, que certains trouveront sans doute sans lien direct avec l’agilité (ce n’est pas tout à fait le cas), il s’agit du livre le langage de l’amour de Gary Chapman. Pour le résumer rapidement, ce livre se focalise sur un concept: les différents langages de l’amour que chacun peut comprendre et attendre de l’autre. Dans ce livre, on apprend que chaque personne dispose d’un langage particulier en ce qui concerne la satisfaction de ses besoins affectifs. Certains préfèrent les cadeaux, quand d’autres préferent un bon resto…je simplifie mais l’idée générale est que chacun a besoin de choses différentes pour se sentir heureux et aimé.

Mais quel rapport avec l’agilité ?

Dans une famille les rapports entre parents et enfants sont bien souvent figés. Les parents jouent un rôle d’éducateurs (avec parfois une pointe de dirigisme), les enfants adoptent à contrario une attitude plus à l’écoute de leurs parents en osant peu remettre en cause le rôle des parents. Il en découle un mode de communication très proche de ce que l’on peut voir dans de nombreuses entreprises : le mode de communication parents/enfants. Ce mode de communication a pour caractéristique qu’une des deux parties finira par imposer son avis à l’autre (l’adulte prend le pas sur l’enfant).

Je ne vois toujours pas le rapport avec l’agilité …

L’agilité a pour but premier de faire collaborer les individus et donc de les amener à un mode de communication plus proche du mode adulte/adulte. Un adulte s’exprime à un autre adulte sans jugement, tout en parlant des faits (ce qui n’empêche pas les échanges et les désaccords). La communication se fait en confiance car on sait que l’autre est dans le même mode de communication, il ne va pas me juger pour ce que je vais dire, mais juste me donner un avis sur la situation.

Ce mode permet finalement d’accéder au potentiel le plus important de l’individu (pour ceux qui voudraient une référence…regardez le film Lucy de Luc Besson ;-)).

Pour conclure sur cette partie, je dirais que l’un des besoins fondamentaux d’une famille est que chacun connaisse le langage de l’amour de l’autre. De cette manière, chaque membre de la famille peut savoir comment faire plaisir à l’autre. Il est donc primordial que chaque membre de la famille puisse donner son avis et ait une liberté d’expression maximale afin que chacun puisse exprimer ce qu’il attend de LA famille.

C’est une des idées fondamentales qui m’ont poussé à appliquer -tout du moins essayer- l’agilité en famille.

Les méthodes agiles apportent un certain nombre d’outils (le tableau de tâches) qui permettent de mieux s’organiser. Les méthodes agiles amènent aussi des règles et des rituels à respecter. Ce sont ces deux élements que j’ai essayé de mettre en place : tout d’abord un tableau de tâches pour organiser au mieux nos week end, et ensuite une charte (avec un engagement) permettant de responsabiliser les enfants dans les tâches rituelles qu’ils sont amenés à faire (se brosser les dents, s’habiller…etc).

Notre premier projet: les sorties du week end

Tout d’abord, j’ai commencé par un tableau de tâches. Mais pas n’importe quelles tâches. Pas des tâches ménagères mais des « tâches » de type « loisirs », « sorties ». Deux raisons à cela: Notre plus gros problème à résoudre en tant que famille était l’organisation de nos week ends (avec rappelons le le fait que nous parents avions peu de temps pour l’organiser à l’avance, et que nos enfants étaient plutôt en attente d’évènements lorsque le samedi arrivait).

Tout de suite, nous avons distingué trois types de tâches : les tâches de découvertes, les tâches de rencontre et les tâches planifiées (les évènements se produisant à une date précise, les week ends avec les amis fixés à l’avance…etc). Ces types de tâches correspondent grosso-modo aux différents attentes de la famille (d’ou la référence au livre de Gary Chapman).

Après un court briefing de toute la famille,  notre tableau s’est rapidement rempli de Post’it.

Mon fils a compris très rapidement l’intérêt de ce nouveau mode d’expression en y écrivant lui même plusieurs idées d’activité (Le karting, l’escalade, l’achat d’un cadeau pour l’anniversaire d’une amie…etc).  En voici un extrait.

Les trois premières semaines, nous avons comblé toutes nos envies de sortie, etableaut cela très simplement en choisissant au cours de la semaine le ou les activités à faire le week end prochain (deux zones dans le « à faire » : « à faire rapidement » et « à faire le week end prochain »). Nous avons donc pu organiser/planifier nos sorties et celà avant d’arriver à la date fatidique du samedi matin 😉

Effet garanti : notre fils de 8 ans a très rapidement compris le fonctionnement. Ce qui nous faire rire actuellement est qu’il dépose des post’it comme « acheter du dentifrice » ou « 4 pages d’anglais tous les soirs »…c’est assez bluffant de le voir jouer avec ce tableau !

Notre deuxième projet: l’obéissance

Ce deuxième problème est sans doute le problème numéro UN de nombreuses familles. Et nous ne dérogeons pas à la règle: parfois nos enfants n’obéissent tout simplement pas. Le mode de communication parent/enfant a ses limites. Les enfants qui par nature ont soif de liberté et d’indépendance vont par tous les moyens chercher à s’échapper du mode « dirigiste » imposé par leurs parents.

Concrètement, voici un exemple de conversation que nous avions le soir avec notre fils:

Moi : Hugo tu t’es brossé les dents ?

Hugo : Oh…non…pfff (long soupir)

Moi : Hugo va te brosser les dents !

Hugo : Attends, je finis mon jeu

Moi : Hugo, tu éteints ce jeu et tu vas te brosser les dents !!

Hugo : Ohhh…d’accord, mais d’abord…

Moi : Hugo ! Va te brosser les dents !!

En l’écrivant, je me rends vraiment compte du côté absurde et vain de ce type de dialogue avec un enfant. Un enfant ne raisonne pas comme un robot. L’assommer d’ordres (qui plus est répétitifs) ne fonctionne tout simplement pas. En entreprise, on appelle ça du « micro management ».

Une seule solution : Inverser le mode directif en responsabilisant au maximum les enfants.

Un dimanche après-midi, j’ai commencé à rédiger une charte de la vie en famille. Dans cette charte, j’ai fixé une liste de tâches indispensables que chaque enfant doit réaliser tous les jours. A chaque tâche j’ai associé des points « récompense ». En voici un exemple:

  • Brosser ses dents seul et en toute autonomie : 10 points
  • S’habiller seul : 10 points
  • Donner à manger à son lapin : 5 points
  • …etc

 

Cette liste de tâches tient compte des difficultés particulières que nous avions avec nos enfants. Les tâches que nous avons inscrites sont « faisables » par nos enfants et sont liés à leur autonomie.

Après relecture par mon fils, nous l’avons tous signée (Hugo a même décidé de rajouter deux idées: « Déposer mon linge sale dans le panier » et « préparer le goûter »). De cette manière, nous avons tous montré notre engagement vis à vis de cette charte. Cette action est assez proche du « comitment » que l’on peut demander aux développeurs au début d’un sprint (Scrum).

Assortie de quelques règles d’utilisation, cette liste a eu encore une fois un effet spectaculaire sur mon fils (décidément, vous allez finir par croire que ce n’est qu’un cobaye, mais il adore cette émission que je vous conseille fortement).

Pour tout vous dire, les points de récompenses sont convertis en minutes d’utilisation de notre tablette. C’est donc avec beaucoup d’entrain que Hugo réalise maintenant ces tâches, qui ressemblent de plus en plus à un jeu pour lui. Il y voit un intérêt : « Gagner » des points comme dans un jeu vidéo.

Deuxième effet kiss cool : nous avions un problème d’utilisation intensive de la tablette par Hugo, et voici que désormais cette nouvelle charte lui impose 30 minutes maximum de tablette par jour (la charte précise qu’il n’est pas possible de consommer plus de 30 points par jour, 1 point = 1 min de tablette).

Ce que nous y avons gagné est essentiel:

  • De la sérénité (plus besoin de forcer la main à Hugo)
  • De la confiance (Hugo connaît les règles du Jeu, et nous lui laissons compter ses points)
  • Du temps et du stress en moins (plus de discussions stériles)
  • Une auto-limitation du temps de consommation de la tablette.

Pour aller plus loin…

Cet article est un retour d’expérience. Comme dans toute expérience agile, on expérimente, on teste, on FAIL (First Attempt In Learning). N’essayez pas d’appliquer à la lettre ce qui est décrit, créez votre méthode, impliquez vos enfants !

Je ne prétends pas être un coach familial, une super Nanny, mais l’agilité fonctionne en entreprise…pourquoi pas chez vous ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2 réflexions sur “Agilité en famille

  1. Bonjour,
    Excellente idée et mise en pratique de l’agilité en famille ! J’aime beaucoup cette idée de renversement du modèle pyramidal. La responsabilisation et l’autonomie des enfants et un peu plus de sérénité côté parents pour le prix d’un bloc de post it, j’adhère !
    Merci pour ce post

  2. je pratique aussi et ça fonctionne aussi pour nous avec des enfants devenus ado. Le top c’est utiliser des tableaux kanban basic (a faire, en cours, terminé) pour l’organisation participative d’événement familiaux (fêtes de noël, départ en vacances). Chacun positionne son nom sur les post-il de tâches et les réalise quand il veut. On ne dit plus  » hugo, va faire ta valise !! » Mais  » le post-it faire sa valise n’est pas fait, je ne peux pas charger la voiture « . Et ça change tout !

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